Élu Écologiste à Toulouse

Vidéosurveillance : retour sur la dernière Commission des Libertés Publiques

Notre quotidien local a récemment évoqué la dernière réunion de la Commission des Libertés Publiques, à l’ordre du jour de laquelle figurait l’implantation de caméras de vidéosurveillance place Anthonioz De Gaulle, dans le quartier Bagatelle.

Depuis une bonne dizaine d’années l’insécurité s’est imposée comme l’un des grands thèmes du débat national et l’une des préoccupations majeures des acteurs publics. Il n’est pas question de nier la réalité des problèmes de violence, ni le caractère fondamental de la sécurité, qui est un droit de nos concitoyens.
En revanche, parce qu’elle est aussi devenue un enjeu politique, la question fait régulièrement l’objet de surenchères et de raccourcis démagogiques, qui font miroiter aux citoyens des solutions simples à des problèmes en réalité complexes. A Toulouse le débat sur l’usage de la vidéosurveillance ne fait pas exception, c’est pourquoi je vais tenter de clarifier la position des élu(e)s écologistes.

Je voudrais tout d’abord rappeler la mission, les compétences, et le fonctionnement de la Commission des Libertés Publiques de la Ville de Toulouse.

« La Commission des Libertés Publiques est une instance pluridisciplinaire et pluraliste à caractère consultatif, chargée de veiller au respect des libertés publiques et des principes éthiques et démocratiques dans la définition et la mise en œuvre des politiques de sécurité et de tranquillité publiques .
A cette fin, la Commission des Libertés Publiques mène un travail indépendant de réflexion et d’échange, émet des avis et des propositions sur toutes les questions susceptibles d’entrer dans le champ d’action du Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance, ainsi que sur toute question en relation avec les libertés publiques dont le maire ou le CLSPD voudront bien la saisir.
La Commission des Libertés Publiques apprécie la mise en œuvre de la Charte européenne pour une utilisation démocratique de la vidéosurveillance souscrite par la Ville de Toulouse. Cette mission comprend l’analyse évaluative de l’activité des systèmes de vidéosurveillance existants et l’examen des nouveaux projets.
La Commission des Libertés Publiques formule un avis sur les diagnostics municipaux territorialisés conduits par la Ville de Toulouse.
Les avis de la Commission des Libertés Publiques se conforment au principe d’indépendance, de responsabilité, d’objectivité, de transparence et de respect du pluralisme des opinions. Ils doivent rechercher, autant que faire se peut, un consensus et, à défaut, sont arrêtés à la majorité des membres présents.
Les avis de la Commission des Libertés publiques sont purement consultatifs, informatifs et motivés, et prennent en compte dans leur rédaction, des points de vue minoritaires dûment motivés. »

Je veux donc d’ores et déjà préciser que contrairement à ce qu’indiquait l’article de La Dépêche du Midi, il n’y pas eu de vote au sein de la commission vendredi dernier. En effet, de manière générale, les débats font émerger un avis de la commission, consensuel ou majoritaire, avec des éléments qui peuvent nuancer la position voire la conditionner, ainsi que les avis divergents ou questionnements qui se sont exprimés.

En l’occurence donc, pour en revenir au débat autour du diagnostic territorial de la place Anthonioz De Gaulle, il y a effectivement eu des débats qui ont fait émerger une position majoirtairement favorable à l’installation de caméras, et dans le débat, seuls la présidente de la commission (Laure Ortiz, professeur spécialisée en libertés publiques à Sciences Po Toulouse), la Ligue des Droits de l’Homme (représentée par Jean-François Mignard) et moi-même au nom des élu(e)s EELV avons exprimé de fortes réserves et/ou questionnements.

Je vais essayer de préciser notre positionnement.

L’analyse du diagnostic territorial faisait ressortir de gros problèmes de délinquance, qui tournent essentiellement autour de la présence de trafics et consommations de stupéfiants (cannabis/shit pour l’essentiel), mais aussi cambriolages, atteintes aux commerçants notamment etc…
Les débats ont bien montré que la proposition de caméras visait essentiellement à s’attaquer au trafic de stupéfiants, et à rassurer et accompagner des commerçants excédés, les trafics apparaissant aux yeux des services et élus du quartier comme nuisibles à l’efficacité des actions sociales, de prévention, que la municipalité et l’ensemble des services concernés mettaient en place.

Au vu des élements écrits et des débats qui éclairaient la situation, et après avoir entendu le Maire de Toulouse plaider en faveur de cette installation, je me suis exprimé en ces termes :

D’abord, sur la forme, je me suis interrogé sur l’utilité de demander l’avis à la commission, tant le propos du Maire me semblait déjà démontrer que la décision était prise…
Ensuite, conformément au travail de notre commission, je me suis interrogé au regard de l’application de la Charte européenne pour une utilisation démocratique de la vidéosurveillance, et notamment les principes de nécessité et de proportionnalité.

Ces principes nous conduisent à mettre en oeuvre toutes les actions possibles autres que les caméras, avant d’envisager l’implantation de ces dernières. Sur ce point, une fois de plus, on ne pouvait que constater que tout n’était pas engagé :

J’ai évoqué la requalification de l’espace public pour une réappropriation de celui-ci par les habitant(e)s (suppression totale ou partielle du parking automobile qui est aujourd’hui le seul objet de la place et facilite les trafics, les atteintes aux biens).
J’ai rappelé que pour lutter contre les trafics de stupéfiants, la caméra n’était pas l’outil adapté, ayant un effet « plumeau », qui repousse le trafic ailleurs, donc ne résoud pas le problème, mais le déplace seulement.
Concernant la lutte contre les trafics de cannabis, j’ai rappelé que les écologistes dénoncent l’échec, une fois de plus démontré dans notre cas, d’une politique exclusivement répressive, et réclament une politique courageuse, pragmatique, mais efficace, avec la légalisation du cannabis, pour mettre fin à ces trafics.
Enfin, ayant entendu dans les arguments le fait que la police n’agissait que par à-coups, et n’était donc pas suffisante, j’ai voulu rappeler la nouvelle situation politique liée au changement de gouvernement, donc la nécessité d’interpeller celui-ci pour la mise en oeuvre rapide d’une autre politique de sécurité que nous espérons tous. Cette dernière doit être basée sur une police de proximité, présente et efficace, et proposer que ce quartier fasse l’objet d’un classement en Zone de Sécurité Prioritaire, la circulaire du ministère de l’intérieur démontrant que Bagatelle en réunit les conditions.

En conclusion, j’ai considéré qu’il n’était pas opportun d’envisager la mise en place de caméras, alors même que des actions de requalification de l’espace public n’étaient pas encore mises en oeuvre, et qu’une nouvelle collaboration avec l’Etat n’avait pas été engagée, pour une intervention policière plus forte et ciblée (d’autant plus que la gendarmerie est à 150mètres…).

Le débat a fait émerger que l’un des objectifs était aussi la prise en compte égalitaire des quartiers par rapport au centre ville, déjà bien pourvu en caméras.

Ce dernier argument démontre, de mon point de vue, que l’on fait ici de la caméra un symbole, pour démontrer qu’on s’occuperait aussi « bien » des pauvres que des riches.
Cela confirme notre conviction que la vidéosurveillance est devenue davantage un moyen de faire de la politique qu’une réponse probante, ainsi que le disait déjà notre communiqué de presse du 26 octobre 2010

Plus largement et généralement, il est vrai que les écologistes sont défavorables à l’installation de caméras de vidéosurveillance, non pas de manière théorique ou dogmatique, mais après une analyse objective et finalement très pragmatique, qui démontre à chaque fois l’inefficience de cet outil : très peu efficace (très peu pour l’élucidation, pas du tout pour la dissuasion) pour un coût important, tout en nécessitant quand même de l’intervention humaine.
C’est pour cette raison que nous privilégions la présence humaine, qui est efficiente et d’un rapport investissement financier/efficacité très largement supérieur.

Je vous renvoie à ce sujet à la position que j’ai portée au nom du groupe des élu(e)s écologistes suite à une journée d’experts sur la vidéosurveillance qu’avait engagée notre municipalité, et qui avait donné lieu à un débat au Conseil Municipal du 22 octobre 2010.

Enfin, je veux rappeler que les écologistes ont de réelles propositions en matière de justice et de sécurité, qui méritent d’être connues.
Notre vision d’une politique de sécurité se base sur une véritable coproduction de la sécurité, pragmatique et équilibrée, qui ne nie pas les individus. Elle repose sur quatre piliers :

La prévention qui suppose de recentrer les missions de la police sur la lutte contre les crimes et délits (plutôt que sur des tâches inutiles comme les contrôles d’identité à tout va) et le redéploiement des forces de l’ordre au profit des zones les plus touchées par l’insécurité ;
La sanction qui doit être décidée par une justice indépendante et dotée de moyens suffisants ;
La réinsertion, seule solution pour permettre une véritable sortie du monde carcéral ;
Mais aussi la dissuasion qui est avant tout le rôle d’une vraie police de proximité.

Pour creuser tous ces sujets, je vous invite à visiter le site de la commission justice d’EELV qui traite des questions de sécurité et libertés : http://justice.eelv.fr/

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Antoine Maurice

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