ELECTIONS DEPARTEMENTALES 2015… L’EMERGENCE D’UN NOUVEAU PAYSAGE POLITIQUE
Malgré les analyses qui se félicitent d’une amélioration de la participation, il est évident que le taux de 49% d’abstention lors des élections départementales reste élevé.
Le Front National a encore renforcé son implantation à l’occasion de ces élections départementales, même dans les villes où il a toujours été contenu comme à Toulouse.
La question de la relation d’une part croissante de nos concitoyen-nes entretient avec la participation démocratique pose question, que cela se traduise par l’abstention ou le vote FN.
La réalité crue est celle d’un FN haut, une droite rassemblée qui gagne, un PS affaibli mais qui se ressaisit après des européennes catastrophiques, une offre alternative à gauche et/ou écologiste certes peu lisible mais qui existe.
Les relatifs bons scores d’EELV et des alliances avec tout ou partie du Front de gauche montrent que même sous la pression du vote utile, il existe un électorat déterminé à exprimer ses différences avec la ligne politique incarnée par le PS.
Je regrette que certains cadres et élus écologistes aient mis beaucoup d’énergie à qualifier et désapprouver, y compris en externe, ce que les militant-es avaient choisi de faire, plutôt que de s’engager de façon positive dans cette campagne.
Tant que nous ne résisterons pas à la tentation d’être les premier-es de nos procureurs, nous n’arriverons pas à convaincre la société de l’utilité du projet écologiste.
Cela a déjà été dit, là où nous étions en autonomie, dans 377 cantons donc, nous avons réalisé de bons scores, 9,7% en moyenne.
Là où nous étions en alliance avec tout ou partie du Front de Gauche, nous réalisons un le score de 13,6% en moyenne.
A la question, est-ce que cette offre politique nouvelle permet de supplanter le PS ?
La réponse aujourd’hui est non.
Pour autant, en conclure qu’il n’y aurait aucune attente pour fédérer une alliance écologiste, citoyenne et solidaire afin de proposer autre chose que la ligne politique actuelle du Parti Socialiste au pouvoir est tout aussi faux.
On peut par ailleurs remarquer que ces stratégies ont mieux fonctionné lorsqu’il s’est agit de faire des campagnes en « positif » autour de propositions concrètes et constructives, plutôt que de la simple contestation.
Un nouveau paysage politique est en train de se mettre en place où les clivages traditionnels, s’ils ne disparaissent pas complètement, se troublent.
La crise actuelle rend caduque beaucoup de repères idéologiques traditionnels.
La grille d’analyse classique « gauche-droite » perd en pertinence pour interroger notre société. Les écologistes l’ont analysé et anticipé depuis longtemps.
C’est l’histoire du vieux monde qui peine à mourir…
De ce point de vue, la caricature de nos débats internes sur des écologistes plutôt « socialo-compatibles » ou plutôt « gaucho-compatibles » est assez déconnectée de la réalité.
Ce qui a presque toujours été à l’oeuvre dans la recherche de convergences avec certaines composantes, ou certain-es militant-es du Front de Gauche, notamment à Toulouse, c’est l’expérimentation de convergences de projet autour des valeurs écologistes et humanistes.
Ces convergences n’ont de sens que si elles dépassent les identités partidaires antérieures ou d’origine, et si elles s’élaborent dans une démarche citoyenne.
Les principaux obstacles dans cette affaire sont… les partis, qui sont certes utiles, mais sont aussi des machines à construire des murs et à casser des ponts.
Construire à partir de ces convergences une force culturelle, sociale, et politique, avec au cœur l’écologie, est pour moi, comme pour d’autres, l’enjeu des mois et années à venir.
CONTRE L’EXTREME DROITE, CONSTRUIRE UNE FORCE CULTURELLE SOCIALE ET POLITIQUE AVEC AU CŒUR L’ECOLOGIE
« A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel » Edgar Morin
C’est la citation que j’avais choisie pour mes vœux en début d’année.
L’essentiel aujourd’hui ? L’écologie, qui doit être au cœur de la reconstruction d’une force sociale et politique.
Il nous faudra pour cela changer de posture, en cessant les discours magistraux et culpabilisateurs, à commencer par notre manière de lutter contre l’extrême droite. Car on ne combat pas une vision de la société par de la morale, mais par un imaginaire et un projet mobilisateurs.
Lors des élections départementales, 7 jeunes sur 10 n’ont pas voté, et de plus en plus de jeunes sont attirés par le vote Front National.
« Si la jeunesse n’a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort » disait à juste titre François Mitterrand.
Cette désaffection de la jeunesse vis-à-vis du monde politique doit nous interroger.
La progression du Front National n’a plus rien de circonstancielle. Elle devient structurelle, et culturelle.
Sa force est d’avoir réussi à capturer l’un des mythes fondateurs de la France moderne : l’alliance des « nationaux » et des « sociaux », le programme de la Résistance.
Ce que ne comprend plus la classe politique contemporaine, c’est la puissance de l’imaginaire. A force de l’avoir dégradé en story-telling, celles et ceux qui nous gouvernent ont perdu le sens du rêve, et la capacité mobilisatrice des grandes aventures humaines.
C’est l’imaginaire qui donne son sens à l’action politique.
Pour lutter contrer l’abstention et l’ancrage de l’extrême droite, il y a nécessité de proposer une offre politique nouvelle qui réponde en tout point à ce qui fait leur lit.
Face aux idées du Front national qui mettent en avant le repli sur soi, le rejet de l’autre, nous devons formaliser une offre et un imaginaire qui incarnent le collectif, l’ouverture.
Pour envisager d’endiguer l’abstention, nous devons formaliser une proposition politique qui ne se résigne pas et qui prétend être en mesure de pouvoir changer les choses.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas seulement de rassembler autour des écologistes, mais d’élargir le cercle en rassemblant autour de l’écologie.
Trop souvent, nous nous focalisons sur le combat institutionnel et en oublions de mener la bataille culturelle indispensable.
Ces dernières années, l’imaginaire de l’écologie politique en France s’est dissout dans la seule course effrénée à la crédibilité institutionnelle.
A-t-on entendu récemment des écologistes français parler d’autre chose que de leur position par rapport au gouvernement socialiste dont ils faisaient d’ailleurs partie l’année dernière ?
L’enjeu ne doit être ni 2015, ni 2017, sinon seuls des raisonnements tactiques et personnels vont nous guider.
L’autonomie de l’écologie politique ne se décrète pas. L’autonomie se construit. Dans la capacité à mobiliser, bien au-delà des partis politiques, toutes celles et tous ceux qui peuvent s’y reconnaître. Dans la capacité à nouer les alliances nécessaires et signifiantes sur le moment, et la même capacité à les dépasser quand elles perdent leur sens.
L’autonomie s’appuie aussi sur un parti politique fonctionnel et convivial, ouvert sur les autres, accueillant et mobilisateur. Pas une structure obsédée à la fois par sa propre pureté et par sa survie.
L’autonomie, enfin, c’est une question de projet.
Le projet écologiste reste celui d’un monde meilleur, qui combine le cheminement de chacun-e pour le changement de toutes et tous.
Un projet de transformation globale de la société, de transition.
Etre ou ne pas être au gouvernement n’a aucun intérêt si on n’a pas rétabli au préalable la force de l’imaginaire concrétisé dans un projet politique partagé.
Mais les idées n’infusent pas « naturellement ».
Pour faire progresser l’écologie politique, il nous faut donc sortir du tout-parti, investir les initiatives citoyennes, pour se confronter au réel et aux schémas de pensée encore majoritaires dans notre société.
Cette démarche ne peut s’engager qu’après nous être débarrassé de la posture du sachant qui assène ses vérités comme des évidences.
15 ans de militantisme aux Verts puis à EELV ne m’ont pas fait échapper à certains écueils dont je viens de parler, mais la dynamique d’Europe Ecologie aux européennes de 2009, poursuivie aux régionales de 2010, le travail que nous avons entamé au moment des municipales à Toulouse avec la liste « Toulouse Vert Demain », élargi et renforcé à l’occasion des départementales avec « Alternative citoyenne », m’a définitivement convaincu de poursuivre dans ce chemin là.
Il faut pour cela que nous militions davantage. Moins de mails, plus d’échanges et de liens.
Il faut aussi que nous sortions du cadre.
Soit les écologistes renoncent à transformer la société, acceptent le cadre actuel, et rien ne changera.
Soit nous participons à l’émergence d’une nouvelle force politique.
Une force culturelle, sociale. Pas un nouveau parti, ni une addition d’étiquettes.
Il nous faut mobiliser toutes celles et tous ceux qui disent «la politique ne nous intéresse pas» mais veulent changer de monde.
Comment aller vers la prospérité sans croissance, inventer un nouveau modèle intense en emplois ?
Comme la question sociale a permis l’émergence du socialisme, cette nouvelle force politique doit s’articuler autour de la question écologique.
Face aux conservateurs libéraux qui paniquent et courent derrière le Front national, il faut rassembler toutes celles et tous ceux qui veulent changer de modèle.
Ce qui est prioritaire, c’est de construire l’espoir autour d’un projet, sans oukases, sans s’opposer les uns aux autres.
Cela commence par le niveau local.
Il nous faut créer l’écosystème autour de collectifs citoyens et faire un vrai travail d’éducation populaire, créer un espace de travail au-delà des étiquettes.
Dès lors que l’on donne du sens à ce que l’on fait et qu’on dépasse les étiquettes, on recrée du souffle !
Il y a manifestement l’envie d’une autre politique. Il y a un besoin d’alternative et de reconquête culturelle.
Voilà pourquoi nous devons travailler à une nouvelle force citoyenne et politique, avec au coeur l’écologie, capable de bousculer le paysage, avec celles et ceux qui font le constat que le modèle libéral est à bout de souffle, crée un monde violent, et qu’il faut tenir compte de l’épuisement des ressources naturelles.
Revenir à l’essentiel sera pour moi désormais de participer à cette tâche collective ambitieuse, mais enthousiasmante.
(Merci David, Cécile, Enzo, Edouard et Benjamin, qui m’avez largement inspiré cette analyse)