« Avant une rentrée politique qui s’annonce chaude, Antoine Maurice, l’élu écologiste d’opposition à la mairie de Toulouse et ancien adjoint de Pierre Cohen (2008-2013), fait le point sur les actions et la méthode Moudenc mais aussi sur les propositions que son parti va présenter dans les semaines à venir.
Côté Toulouse : Quel bilan tirez-vous de la première année d’actions de Jean-Luc Moudenc au Capitole ?
Antoine Maurice : Très clairement, Jean-Luc Moudenc a déchiré le contrat qui le liait aux Toulousains. Cela se passe par la hausse brutale des impôts à Toulouse, hausse que les Toulousains vont subir dès la rentrée alors même que le maire s’était fait élire sur la promesse qu’il n’augmenterait jamais ces impôts. Cela passe aussi par toute une série de petits projets qui sont remis en question dans tous les quartiers, soient autant de promesses qui sont rayées jour après jour pour « de bonnes raisons ». Mais je le répète, le pire est ce coup de massue donné aux Toulousains, une hausse de 15% des impôts, qui n’était pas nécessaire. C’est un choix politique et non une contrainte.
CT : Sur quel volet de son action seriez-vous le plus critique ?
AM : Il y a plusieurs aspects mais ce qui se détache, c’est la vision sécuritaire qu’il amène dans toutes les politiques qu’il mène. La majorité agite constamment le chiffon de la sécurité même sur des politiques portant sur l’environnement.
Elle oppose la nature et l’humain en laissant entendre par exemple que laisser pousser la végétation et ainsi permettre de développer la biodiversité c’est quelque chose de dangereux.
Autre exemple de ce constat avec sa politique d’abattage des arbres pour soit-disant protéger les passants. On l’a vu avec l’arbre de Saint-Étienne où il n’y avait pas d’urgence. Sur le plan de l’écologie, il y a des choses positives, un travail sur les énergies renouvelables et la mise en place de repas végétariens en repas de substitution à la cantine. Mais ce sont des touches vertes sans politique transversale.
La municipalité agit très peu sur le climat. Alors que se profile la conférence sur le climat, on attend que le maire s’engage et fasse de Toulouse une capitale européenne en ce domaine comme elle est reconnue à cette échelle sur le plan scientifique. Mais pour l’heure, ce que l’on voit, c’est que son projet transports est en contradiction avec le plan climat. Le programme Linéo n’est comparativement pas aussi ambitieux en terme de report modal des voyageurs que le plan que nous avions engagé avec Pierre Cohen. Au terme de ce mandat, on n’atteindra pas les objectifs que notre majorité s’étaient fixés, des objectifs qui étaient déjà limites par rapport aux besoins de notre ville. En 2020, je crains que Toulouse soit asphyxiée…
CT : Sur la sécurité avec les caméras de vidéosurveillance et le recrutement de policiers municipaux, sur les transports avec le lancement des études sur la 3e ligne de métro, ne fait-il tout de même pas ce pour quoi les Toulousains l’ont élu en 2014 ?
AM : Sur les grands projets, il est difficile de juger au bout d’un an de mandat mais à mon avis la 3e ligne de métro ne sera pas ficelée en 2020 et en beaucoup de domaines, il n’y a rien de certain pour cette fin de mandat. Sur la sécurité, c’est clair qu’il assume ce qu’il avait dit et nous serons très attentifs aux résultats.
Mais au-delà des mesures c’est le discours que tient le maire qui nous interpelle. C’est un discours qui ne protège pas mais qui divise.
Le discours de Jean-Luc Moudenc, c’est la division des populations qui se concrétise par les arrêtés anti-prostitution, la brigade SDF, la gestion de l’insertion des populations marginales, un dernier point sur lequel la majorité s’est d’ailleurs pris les pieds dans le tapis et a reculé. La méthode Moudenc a fait selon nous disparaître l’intérêt général à l’image de son projet municipal de campagne dont le programme reposait avant tout sur l’addition des oppositions à notre majorité.
CT : Sur certains dossiers comme celui du village des Roms, n’a-t-il pas fait preuve d’un certain pragmatisme devant l’opposition ferme des habitants ?
AM : C’est un dossier où il a plutôt été dans la gestion de l’intérêt particulier au détriment de la notion de service public, notion qui disparaît dans de nombreuses décisions qui sont prises ces derniers mois à Toulouse. Avec Jean-Luc Moudenc, le service public est vu comme un coût qui, s’il n’est pas rentable, doit être stoppé. Or le service public, c’est offrir un service à tous les publics.
Aujourd’hui, Jean-Luc Moudenc propose une politique de consommation qui ne pose plus la notion de l’intérêt général. Il est sur des éléments de mobilisation et ne consulte plus que sur de l’affrontement.
Ceci doit nous interroger sur notre façon de faire de la politique et alimenter une vraie réflexion sur ce qu’est une politique de co-construction pour laquelle je suis favorable.
Dans l’opposition, Jean-Luc Moudenc a beaucoup critiqué nos méthodes de concertation mais l’on voit bien qu’il se prend lui-même les pieds dans le tapis en la matière… Ce qu’il appelle concertation, c’est donner deux éléments, les proposer et reculer. Il montre bien qu’il a du mal à mener à bien cette démocratie participative sur laquelle nous aurons à faire des propositions dans les mois qui viennent.
Au final, les choix qui sont opérés ces derniers mois posent un problème démocratique. À partir du moment où Jean-Luc Moudenc a rompu le contrat qu’il avait défini avec les Toulousains, il aurait dû revenir devant eux pour partager les nouveaux enjeux financiers, les nouvelles orientations comme peut le faire une municipalité comme Grenoble (dont le maire est écologiste depuis 2014). Aujourd’hui, les Toulousains vont payer plus pour avoir moins sans avoir pu donner leur avis.
CT : Jean-Luc Moudenc ne démontre-t-il pas une forme d’habileté dans ses rapports avec l’opposition ?
AM : C’est certain qu’il sait valoriser le travail de l’ancienne majorité. Il est même très bon lors des inaugurations mais derrière ça, il y a la brutalité des réponses qu’il donne aux riverains et ce qu’il peut faire au quotidien via ses choix politiques. C’est ce que j’appellerais la dualité de Jean-Luc Moudenc, dualité qui commence à être visible par ceux qui subissent sa politique faite de baisse des subventions aux associations et de hausse des impôts. Les Toulousains ne sont pas dupes. Ses propositions reviennent à dire qu’une seule politique est possible à Toulouse et qu’il n’y a pas d’autre choix. À nous de reconstruire une alternative sans promettre n’importe quoi, en ayant un discours de vérité et proposer un projet pour vivre mieux dans notre ville.
CT : Dans le contexte que vous décrivez, l’opposition ne semble pas audible…
AM : C’est vrai qu’au bout d’un an, elle n’est pas pleinement en ordre de marche pour être dans la force de propositions mais je ne vais pas juger les problèmes des autres groupes politiques. Chez Europe Écologie-les Verts, on ne veut pas être dans la simple contestation et dès la rentrée de septembre nous allons faire des propositions.
Après, il faut beaucoup de travail pour reconstruire et contrairement à la droite nous ne sommes pas dans la dynamique qui voudrait d’abord que l’on choisisse un chef avant de se mettre à son service.
À nous de construire un projet positif pour Toulouse, sans mettre la charrue avant les bœufs, car ce qui va marquer ce mandat, c’est qu’il n’y a pas de projet pour anticiper l’avenir de notre ville et protéger les Toulousains. C’est cette absence de ligne directrice qui perdra Jean-Luc Moudenc.
CT : On ne peut pas dire que les réunions organisées par l’opposition sur la hausse des impôts avant l’été ont été une franche réussite…
AM : Le faire avant l’été n’était peut-être pas une bonne idée et il y a eu peut-être une erreur de calendrier car les Toulousains vont se mobiliser en cette rentrée. Maintenant, même s’il n’y a pas eu beaucoup de monde lors de ces réunions, celles-ci nous ont permis de constater que les Toulousains ne sont pas dupes. Elles nous font aussi dire qu’aujourd’hui, les partis politiques ne sont pas les seuls lieux de la participation citoyenne et qu’il nous faut certainement trouver les moyens d’organiser les choses autrement.
CT : Un an après sa défaite, Jean-Luc Moudenc était présent dans les quartiers et rendait visible son travail d’opposant via une association et le relais des réseaux sociaux. Vous semblez en retard sur ce tableau de marche…
AM : Jean-Luc Moudenc avait un avantage par rapport à nous, c’est qu’il avait été nommée contrôleur général économique et financier en 2008 (il a été nommé lors d’un conseil des ministres sur proposition de Christine Lagarde, NDLR), un emploi de complaisance qui lui a permis d’être présent sur le front à Toulouse. Je n’aspire pas du tout à ce type de pratique mais le fait est que nous, nous sommes des citoyens normaux avec des emplois. C’est donc difficile pour nous de faire le même travail sans le temps et les moyens dont lui disposait.
CT : Comment comptez-vous donc faire passer vos idées ces prochains mois ?
AM : Nous allons passer d’une phase d’observation à une phase d’interpellation avec des porteurs de parole sur l’espace public. Il faudra aller au-delà de nos trois élus municipaux et peut-être imaginer une plate-forme comme celle qu’a mis en place notre parti à l’occasion des régionales de 2015.
Nous allons aussi remobiliser les outils qui ont fait le succès de notre campagne du 1er tour des municipales à Toulouse. Nous allons nous donner les moyens d’être présent sur le terrain ces prochains mois à Toulouse.
CT : L’écologie peut-elle encore faire gagner à Toulouse ?
AM : Dans les scrutins locaux, l’écologie est en progression ou en stabilisation. La seule difficulté, c’est de mobiliser les forces progressistes autour de l’écologie et autour d’un projet qui porte les valeurs de l’écologie. Selon moi, il y a un potentiel à Toulouse pour porter un projet écologiste qui soit le pilier de la reconquête. Ceci d’autant plus que le projet de l’actuelle majorité va aggraver la situation en la matière. Le besoin de vivre mieux dans notre agglomération va aussi améliorer la prise de conscience générale des gens. Je suis confiant dans le fait que les écologistes pourront proposer à l’avenir ce projet qui répondra aux nouvelles attentes des Toulousains.
David Saint-Sernin
Journaliste à Côté Toulouse