Élu Écologiste à Toulouse

Monsieur le Maire, la violence a des formes et des visages multiples…

Monsieur le Maire,
Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Il y a quelques jours, je me suis mis devant une feuille pour griffonner ces quelques mots, ces quelques paroles que les présidents de groupe jettent les uns et les autres dans ce qu’il est convenu d’appeler une « arène », à l’ouverture de nos conseils. Ces propos liminaires, tels que nous les appelons.
Je m’adonne à cet exercice depuis quelques mois. Et je dois vous l’avouer, je ne l’ai jamais trouvé aussi vain.
Les événements survenus à Sivens, le drame total qu’est la mort de Rémi Fraisse, et le déferlement de cynisme qui l’a accompagné m’ont, comme nombre de concitoyens, bouleversé.
Jamais je n’ai été aussi près des valeurs et des idéaux qui m’ont animé lorsque j’ai décidé de m’engager en politique.

Alors vous comprendrez bien que venue l’heure de l’affrontement politique dans ce qu’il a – parfois – de plus politicien, je sois pris d’une sensation de futilité.
Chacun y va de son bon mot, de la phrase qui fait mouche, dont il est fier. Chacun fait entendre sa musique, toujours un ton plus haut ou plus bas que celle de son contradicteur. Le plaisir de se contredire, de s’attaquer, tel est ce jeu auquel nous nous adonnons. Parfois on en oublie le sens premier de notre engagement et le jeu devient mécanique. Il tourne à vide, sous les yeux de nos concitoyens, qui s’en désintéressent de plus en plus.

Pourtant, c’est encore le meilleur exercice que l’on ait trouvé pour permettre l’échange d’idées, de craintes, d’enthousiasmes, et d’interrogations, sur ce qui constitue la raison même de notre présence ici, le devenir de notre cité, sans que nos échanges ne soient entravés par les bornes étroites de la discussion d’une délibération.

Monsieur le Maire, je pense que vous l’avez entendu, je jette la polémique dans la Garonne, et c’est à vous, à votre personne, que je m’adresse aujourd’hui.

Parce qu’une majorité de toulousain-e-s vous a choisi et que cela vous donne une incontestable légitimité, mais que cela vous confère une grande responsabilité.
C’est parce que vous êtes détenteur de ces responsabilités que je veux aujourd’hui vous interroger.

Parce que je suis aujourd’hui un homme inquiet, et que je n’ignore rien des cassures, des déchirures, qui menacent de s’abattre sur notre société et que je veux éviter.
Monsieur le Maire, jamais le gain politique éphémère d’une mesure démagogique ne compensera les dégâts qu’elle cause en banalisant les atteintes à nos valeurs les plus fondamentales.

Monsieur le Maire, la fin ne justifie jamais les moyens.
Je veux parler de votre arrêté anti-prostitution, dont nous mesurons déjà les effets pervers, vous rapportera peut-être plus de considération qu’elle ne vous en enlèvera. Mais je vous demande franchement, sincèrement, humainement, d’en peser toutes les conséquences, de refuser, parce que je sais que vous êtes un républicain, de piétiner les valeurs les plus fondatrices de notre pacte social, et de refuser de poser ainsi la violence intrinsèque qui se dégage de ces mesures, comme un vecteur normal, banalisé, de relations sociales.

Vous parlez souvent de violence Monsieur le Maire.
Et du temps où vous étiez dans l’opposition vous ne vous priviez pas de commenter les faits divers les plus dramatiques pour dénoncer le supposé laxisme de la précédente municipalité en matière d’insécurité.
En tant qu’élus de l’opposition, les écologistes ne céderont pas à cette facilité. Parce que la réalité des phénomènes de délinquance et de criminalité est plus complexe qu’un empilement de faits divers. Et parce que le sujet demande de l’humilité.

La sécurité est un désir légitime de nos concitoyens et un droit essentiel.
Mais il y a une différence entre entretenir le sentiment d’insécurité et combattre l’insécurité réelle. Il y a une différence entre se préoccuper de l’insécurité et s’en servir à des fins politiques. Je ne veux pas croire qu’il ne s’agit pour vous que d’attiser les peurs. Mais force est de constater que c’est toujours pour vous un argument vers plus de violence légitime.

Monsieur le Maire, est-ce vraiment utile d’armer la police municipale le jour alors qu’elle ne s’est jamais – et nous en sommes tous heureux – servi de son armement la nuit ? Ou s’agit-il simplement d’entretenir un climat anxiogène pour mieux prendre la posture de celui qui agit ?
Je crois pour ma part Monsieur le Maire que plus une société déploie de force et de violence, plus elle instille de violence dans les rapports sociaux. Et elle met ainsi le doigt dans un engrenage dangereux.

Néanmoins, il semble que la violence soit pour vous une notion bien ambivalente.

Puisque vous n’avez pas hésité à annuler une exposition des planches d’une bande dessinée qui avaient l’audace de dépeindre les violences faites aux femmes. Avez-vous songé un seul instant à ce que cette décision peut avoir de violent pour les femmes victimes de ces violences ?
Dans un autre registre Monsieur le Maire, quelle symbole malheureux que de laisser deux de vos adjoints aller applaudir Eric Zemmour sans vous désolidariser d’eux… Un polémiste condamné pour incitation à la discrimination raciale et tenant à qui veut l’entendre des propos sexistes et homophobes. Ne pensez-vous pas qu’un certain nombre de Toulousain-e-s que Zemmour rend responsables de tous les maux, ont ressenti de la violence à voir ceux qui les représentent se pavaner à ses côtés ?

La violence, elle est aussi dans l’absence de logement, que vivent de plus en plus de nos concitoyens. L’actualité nous le rappelle cruellement. Pensez-vous sincèrement Monsieur le Maire que la mise en place d’une brigade qualifiée de « brigade SDF » est une réponse acceptable, au moment même où le 115 se met en grève pour dénoncer le manque criant de places d’hébergement d’urgence ?!
Ne voyez-vous pas ce qu’il y a de dangereux à insinuer ainsi l’idée que la détresse sociale relève d’une action policière ?

Vous le voyez Monsieur le Maire, la violence a des formes et des visages multiples…

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Antoine Maurice

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