A l’occasion du conseil municipal du 23 mai, les élu-e-s du groupe Toulouse Vert Demain ont présenté le premier vœu de ce mandat. Il portait sur l’accord de libre-échange transatlantique (TAFTA) en cours de négociation entre la Commission européenne et les Etats-unis.
En écho à la mobilisation de la société civile, nous avons demandé au Conseil municipal de prendre position sur cet accord qui pourrait avoir des conséquences locales importantes, car il pourrait entrer en contradiction avec les politiques publiques menées en matière économique, sociale et environnementale.
Le voeu demandait au Président de la République et au Président de la Commission européenne :
– La diffusion publique immédiate de l’ensemble des textes relatifs aux négociations du TAFTA, qui mettent en question notre souveraineté ;
– l’ouverture d’un débat national sur ces accords, impliquant la pleine participation des collectivités territoriales, des organisations syndicales et associatives, des organisations socioprofessionnelles et des populations ;
– l’arrêt des négociations sur le TAFTA tant que la représentation nationale n’aura pas approuvé ces négociations.
En effet, le projet de Partenariat Transatlantique pour le Commerce et l’Investissement (TTIP ou TAFTA) vise à constituer la plus vaste zone commerciale de la planète avec 40% des échanges mondiaux. À la différence de la plupart des accords commerciaux, il ne s’agit pas ici de baisser des droits de douanes devenus quasi inexistants, mais d’harmoniser les règles et les normes dont les différences entre les deux blocs sont considérées comme des obstacles au commerce.
En réalité, il s’agit de bien plus qu’un accord commercial. Nombre de ces « obstacles techniques au commerce » touchent au cœur de la régulation de notre économie et de notre société. Ce sont des choix de société démocratiquement construits, qui touchent à la protection de l’environnement, de la santé, des travailleurs et des consommateurs, aux libertés et aux droits humains fondamentaux. OGM, bœuf aux hormones, viande chlorée, protection des données personnelles, services publics, agriculture, marchés publics, propriété intellectuelle, principe de précaution, capacité des institutions politiques à agir… tout est négociable !
C’est la Commission européenne qui négocie pour l’Union européenne. Mais ce sont les chefs d’Etat et de Gouvernement qui lui ont donné mandat en juin 2013. Une majorité du Parlement composée des conservateurs, de libéraux et des sociaux démocrates, a soutenu le lancement de la négociation, à l’exception des services culturels et audiovisuels (exception culturelle). Depuis, plusieurs cycles de négociation ont déjà eu lieu. Si les négociations devaient aboutir, le Parlement européen devra dire « oui » ou « non » à l’accord.
Alors que ce sont leurs choix de société qui sont négociés, les citoyen-ne-s européen-ne-s sont tenus totalement à l’écart des négociations. Le mandat et le contenu des négociations sont strictement confidentiels, et seules des fuites permettent d’avoir accès à quelques informations. On sait que la Commission européenne a récolté les doléances de 140 lobbies et multinationales dans le plus grand secret. Son interlocuteur dans la négociation est l’Administration Obama. Depuis le scandale de la NSA révélé par Edward Snowden, nous savons que les services américains sont mieux renseignés sur cette négociation que les citoyen-ne-s européen-ne-s…
L’avenir de l’Europe n’est pas d’être satellite des Etats-Unis dans une « OTAN de l’économie ». Avant de nous engager dans de nouvelles aventures commerciales, réfléchissons avec nos concitoyen-ne-s à l’avenir que nous voulons pour nous et les générations futures, quel modèle de développement nous voulons pour l’Europe de demain ?
C’est tout l’enjeu du débat autour du projet de traité dit TAFTA.
Par ailleurs, cet accord entre en contradiction avec nombre d’objectifs poursuivis par les politiques publiques menées à l’échelle de notre région et de notre ville. A terme, il pourrait avoir de lourdes conséquences sur les protections sociales, les activités associatives, sociales et culturelles mais aussi sur le maintien de services publics tels que l’éducation ou la santé.
En matière d’agriculture, la production de lait et de viande avec usage d’hormones, la volaille chlorée et bien d’autres semences OGM, commercialisées aux États-Unis, pourraient arriver sur le marché européen et donc midi-pyrénéen, aux dépens de la production locale riche dont nous disposons et des politiques conduites en faveur des productions bio.
De même, les gouvernements européens ne réglementeraient plus les exportations de gaz naturel vers les nations TAFTA. L’exploitation de gaz de schiste pourrait devenir un droit pour les sociétés qui pourraient exiger des dommages et intérêts auprès des nations qui s’y opposent.
C’est pourquoi, au nom des élu-e-s écologistes de Toulouse j’ai saisi le Conseil municipal de ce sujet important, d’intérêt local, qui concerne pleinement notre municipalité, au travers du voeu que j’ai présenté pour notre groupe.
La majorité municipale, par la voix de François Chollet, est restée insensible à l’impact local du traité, prétextant donc le caractère européen du débat pour voter contre ce voeu, par principe. Celui ci n’a donc pu être adopté, malgré l’approbation de l’ensemble des groupes de la minorité.
Malgré cela, les élu-e-s écologistes restent mobilisé-e-s pour informer les Toulousain-ne-s, mais au-delà, les citoyen-ne-s des deux côtés de l’Atlantique, construire les alliances avec les organisations de la société civile, travailleur-se-s, consommateurs, organiser les mobilisations qui stopperont les négociations d’un traité qui se font sans les citoyen-ne-s, et trop souvent contre elles et eux.
Et si l’on portait plutôt un partenariat transatlantique qui renforce notre coopération dans la lutte contre le dérèglement climatique, contre le dumping social, environnemental et fiscal, pour les droits humains et la paix ?